Diapason, Rhapsodies hongroises

Comme les mazurkas de Chopin, les Rhapsodies hongroises de Liszt narrent l’épopée d’une
nation autant qu’elles en exaltent le terroir. Composées sur près de quarante ans jusqu’en 1885, elles représentent par excellence l’art du génial virtuose qui sublime le folklore tzigane de son enfance avec une imagination inépuisable.

Parue à l’origine chez Polymnie en 1999, cette intégrale ne cherche pas à rivaliser avec la version pyrotechnique de Cziffra, incomparable de verve. Denis Pascal, qui suivit l’enseignement de György Sandor et György Sebok, prend ces pages libres au pied de la lettre, sans esbroufe mais avec un classicisme qui n’exclut nullement l’élégante et mâle noblesse constitutive de ces « créations parfaites » (dixit Bartok). Il y déploie un jeu à la fois clair et puis-sant, sans exagérer l’aspect populaire qui déborde naturellement de ces pages. On redécouvre ainsi toute leur diversité, leur fantaisie improvisatrice autant que leur rigoureuse construction, ordonnée autour de l’alternance lassan (lent)/friska (rapide).

L’éloquence épique de la Rhapsodie n° 1, le subtil orientalisme de la n° 3, le lyrisme funèbre de la n° 5 « Héroïde élégiaque », la vigueur frénétique de la n° 6, l’explosion orgiaque de la n° 9 « Carnaval de Pest », les élans facétieux de la n° 10 ou la progression irrésistible des variations de la n° 12 sont parfaitement mis en valeur. Ni le charme émouvant de la n° 13 ni la pétulance joyeuse de la n° 14 ou le faste un peu pompeux de la n° 15 n’échappent à l’interprète, pas davantage que les sombres abîmes des Rhapsodies n° 16 à 19, résolument tendues vers l’avenir.

> Jean-Yves Clément

 

Source : Diapason n°738, Novembre 2024